Le principe de l’horloge
L’homme, comme de nombreux êtres vivants, possède sa propre horloge qui gouverne ses rythmes et qui a été localisée au niveau des “noyaux suprachiasmatiques de l’hypothalamus”. Chaque cellule de cette horloge, lorsqu’elle est isolée, même en laboratoire, est capable de battre le rythme du temps indépendamment de ses voisines…
Chez l’homme, cette horloge est réglée sur environ 24 heures. On dit qu’elle est circadienne (du latin circa = autour, diem = jour). C’est elle qui gouverne prioritairement l’alternance veille-sommeil, mais pas uniquement. Elle est aussi responsable de l’organisation de très nombreux autres rythmes circadiens :
• la température interne,
• la sécrétion hormonale (hormone de croissance, hormones sexuelles, cortisol, hormones thyroïdiennes, ghréline, leptine…),
• le rythme cardiaque et de la tension artérielle,
• la fréquence respiratoire,
• la fonction rénale,
• la fonction sexuelle.
Synchronisation – désynchronisation de l’horloge biologique
Synchronisation
Les différents rythmes biologiques circadiens ne sont pas indépendants, ils sont liés les uns aux autres par de multiples liens. Lorsque notre vie est régulière, tous les rythmes sont harmonieusement synchronisés : on dit qu’il y a synchronisation des rythmes biologiques.
Désynchronisation
Lorsque les horaires sont décalés (comme lors du passage à l’horaire d’hiver ou d’été, ou comme lors du travail posté et de nuit, ou lors du décalage horaire), tous les rythmes circadiens ne vont pas s’adapter à la même vitesse au nouvel horaire, ils sont alors désynchronisés les uns par rapport aux autres. Cette désynchronisation se traduit par un état de malaise qui perturbe la qualité de la vigilance, du sommeil et la qualité de vie.
Les facteurs qui influencent l’horloge biologique
Deux facteurs contribuent à synchroniser fortement l’horloge biologique sur le rythme de 24 heures : le rythme social et la lumière.
Le rythme social
L’influence des activités sociales,le fait d’avoir une montre réglée sur 24 heures, les habitudes alimentaires et le travail jouent leur rôle respectif. L’horloge interne est influencée par exemple par notre activité physique et intellectuelle. Si l’activité est concentrée sur la journée, le sommeil se déclenchera naturellement le soir. Si elle est retardée, le sommeil sera aussi retardé. D’où l’importance des habitudes de vie sur les rythmes de sommeil et d’éveil.
La lumière
• La mélatonine
Le deuxième et très puissant facteur de synchronisation est la lumière et, en particulier, la lumière de haute intensité. La lumière passe directement de la rétine à l’horloge biologique par l’intermédiaire du tractus rétinohypothalamique . Elle fait ainsi sécréter par une glande (la glande pinéale) une hormone (la mélatonine) qui donne le signal du sommeil à l’organisme. Lorsque le jour paraît, cette mélatonine disparaît et l’éveil est plus facile.
• Les cônes et les bâtonnets
Le circuit de la lumière est mieux connu depuis quelques années seulement. On pensait jusqu’à récemment que les cônes et les bâtonnets étaient les seuls récepteurs de la rétine permettant de transmettre l’information lumineuse au cerveau. On sait maintenant qu’il existe deux systèmes rétiniens impliqués dans la transmission de la lumière : le système visuel (avec les cônes et les bâtonnets) et le système non visuel dont l’information est captée par les “cellules ganglionnaires à mélanopsine, intrinsèquement photosensibles”. Les bâtonnets sont très sensibles à la lumière alors que les cônes fonctionnent à des niveaux de lumière plus élevés de type lumière du jour.
• Les cellules ganglionnaires à mélanopsine
Les cellules ganglionnaires à mélanopsine sont particulièrement sensibles à des lumières de longueur d’onde aux alentours de 480 nanomètres (longueur d’onde de la lumière bleue). A côté des voies visuelles, des voies non visuelles transportent donc la lumière jusqu’au noyau suprachiasmatique de l’hypothalamus. Des études ont été menées chez les non-voyants. Un pourcentage élevé de ceux ne percevant pas la lumière a des troubles du sommeil et de la vigilance en relation avec une désynchronisation de l’horloge biologique. Cependant, certains, même ne percevant pas la lumière, conservent les voies non visuelles transmettant le signal lumineux.
Variations individuelles
L’horloge de chaque homme n’est pas identique à celle de son voisin. Il y a des variations individuelles qui sont sans doute d’origine génétique.
Le "clock gene"
Dans les dernières années, il a en effet été mis en évidence la présence d’un gène appelé "clock gene" chez une mouche (la drosophile) et certaines races de souris peuvent être aussi identifiées par la période de leur horloge biologique. On suppose que chez l’homme aussi, la période de l’horloge est réglée par des facteurs génétiques qui lui sont propres.
Le caractère “soir-matin”
C’est un caractère génétique qui dépend de l’horloge biologique. Certaines personnes sont considérées comme “du soir”, c’est-à-dire qu’elles ont tendance à se coucher tard et à se réveiller tard. Leur horloge est alors réglée sur une période supérieure à 24 heures.
• D’autres sont “du matin”, leur horloge tourne souvent sur moins de 24 heures. Les personnes qui ont une typologie du matin extrême présenteraient en priorité un polymorphisme du gène horloge Per1. Une mutation de Per2 a été observée chez certains patients atteints du trouble du rythme circadien du sommeil de type avance de phase (qui ont tendance à s’endormir et à se réveiller très tôt).
• À l’opposé, chez les chronotypes du soir extrêmes et chez les patients atteints du trouble du rythme circadien du sommeil de type retard de phase (qui ont tendance à s’endormir et à se réveiller très tard), on note plutôt une augmentation de la prévalence d’un polymorphisme du gène Per3.
L’effet de l’âge
Avec l’âge, l’horloge devient moins souple, lorsqu’il faut s’adapter aux changements horaires. On dit que l’horloge est moins élastique.
• Ainsi, un sujet jeune pourra souvent s’adapter plus facilement à des changements d’horaires et récupérer le sommeil qui lui manque au cours du week-end. On dit qu’il présente une certaine élasticité de ses rythmes.
• Au contraire, un sujet plus âgé ne parviendra pas à récupérer (par exemple le week-end) les heures de sommeil qui lui manquent, ses rythmes possèdent plus de rigidité.
Ces variations individuelles de l’horloge biologique permettent de mieux comprendre les différences d’adaptation individuelles des sportifs vis-à-vis des horaires de compétition imposés. Certains peuvent avoir une grande capacité physique à l’entraînement et ne pas être capables d’une bonne performance le matin ou au cours de l’après-midi.
Certains peuvent aussi plus facilement s’adapter au décalage horaire que d’autres. Mieux connaître son horloge biologique permet aussi de mieux comprendre comment adapter son rythme à celui de la compétition.
Le sommeil
Composition du sommeil
Le sommeil est un état physiologique que l’on oppose à l’éveil. Il est composé de deux phases très différentes, mais liées l’une à l’autre : le sommeil lent et le sommeil paradoxal.
Le sommeil lent
Le sommeil lent serait le sommeil réparateur de la fatigue physique. Il comprend 3 stades : les stades 1 et 2 forment le sommeil lent léger, le stade 3, le sommeil lent profond.
• Pendant le sommeil lent léger, l’individu est encore sensible au monde extérieur. Un bruit, une lumière, une sensation peut suffire à le réveiller et à le faire retrouver l’éveil. De très nombreuses personnes dorment en sommeil léger au cours de la journée dans les transports (trains, bus, métro). Tout en tenant leur position sur la banquette, leur tête tombe en avant et cette chute de tonus les réveille un instant puis ils se rendorment. Certains même, s’endorment en sommeil léger au volant et la somnolence est une des premières causes d’accidents sur l’autoroute par exemple. Le sommeil léger est reposant lors de la sieste. Il est aussi l’un des composants essentiels du sommeil de la nuit (près de 50 % du temps de sommeil total).
• Pendant le sommeil lent profond, le sommeil est lourd et très reposant. Il est très difficile de réveiller le dormeur et lorsque l’on y parvient, celui-ci se retrouve dans un état de torpeur appelé “inertie du sommeil”. Pendant le sommeil profond, le dormeur est en général relâché, allongé, il lui est difficile de maintenir une position car ses muscles sont détendus. La respiration et le rythme cardiaque sont plus lents, la température en général baisse. C’est le sommeil le plus présent lors des premières heures de la nuit. Il est très rare de dormir en sommeil profond au cours de la journée, sauf en cas de privation de sommeil les jours précédents.
Le sommeil paradoxal
Pendant le sommeil paradoxal se produisent la grande majorité des rêves. Il est très réparateur de la fatigue psychologique, du stress et intervient dans la mémorisation. Le sommeil paradoxal a été ainsi nommé car “paradoxalement” alors que le dormeur est inerte (sans aucun tonus musculaire), son cerveau est très actif. Les Anglo-Saxons l’appellent REM Sleep (Rapid Eye Movements Sleep) car, au cours du sommeil paradoxal, se produisent des mouvements oculaires bilatéraux et symétriques tout à fait caractéristiques. La privation éclectique de sommeil paradoxal chez l’animal s’accompagne de troubles de la mémoire et de l’humeur. En effet, le sommeil paradoxal semble indispensable à l’apprentissage (il est très élevé chez l’enfant), au classement des idées, des émotions, au maintien de l’équilibre psychologique.
Temps de sommeil
Le temps de sommeil total
On appelle “temps de sommeil total” (TST) la durée consacrée au sommeil au cours des 24 heures entre l’endormissement et le réveil et en éliminant les périodes de réveil nocturne. Le temps idéal de sommeil varie avec chaque individu, mais il est en moyenne de 7 à 8 heures par 24 heures chez l’adulte. Ceux qui ont besoin de moins de 5 heures sont très rares (0,5 %), ce sont des “petits dormeurs”. De même ceux qui ont besoin de plus de 10 heures : les “gros dormeurs”. Les dernières études en population générale ont montré que les Français adultes avaient un temps de sommeil total aux alentours de 7 heures par 24 heures au cours de la semaine.
Pendant les week-ends ou congés, le TST est plus proche de 8 heures 30 minutes, comblant ainsi une petite dette de sommeil qui se constitue au cours de la semaine. De manière préoccupante, plus de 30 % des jeunes Français dormiraient moins de 6 heures par 24 heures, ce qui semble un TST insuffisant. En effet, de grandes études de cohorte réalisées depuis le début des années 2000 ont montré que dormir moins de 6 heures par 24 heures augmentait le risque d’obésité, de diabète de type 2, de maladie cardiovasculaires, d’accidents de la route et de troubles de type anxiété-dépression.
La latence d’endormissement
La latence d’endormissement désigne le temps écoulé entre l’extinction des lampes et l’endormissement.
Le temps passé au lit
Le temps passé au lit est aussi une notion importante qui désigne le temps écoulé entre l’heure de coucher et l’heure de lever. Pour certaines personnes il peut atteindre 10 à 12 heures. Certains se mettent en effet “au lit” tôt dans la soirée pour lire ou regarder la télévision. Ils peuvent somnoler sans s’en rendre compte et perturber la qualité du sommeil dans la journée qui suit. Si le sommeil est de mauvaise qualité, on recommande de ne pas dépasser 8 heures passées au lit, pour favoriser une condensation du sommeil et une diminution des éveils nocturnes.
Les cycles du sommeil
Durée et composition des cycles
Le sommeil est composé de “cycles de sommeil” de durée variable entre 1 et 2 heures. Un cycle débute par du sommeil lent léger, se continue par du sommeil lent profond et se termine par du sommeil paradoxal. Plus on avance dans la nuit, moins les cycles sont riches en sommeil lent profond, et plus ils sont riches en sommeil paradoxal. Ainsi le dernier cycle de sommeil est surtout composé de sommeil léger et de sommeil paradoxal, ce qui explique pourquoi on a l’impression de rêver le matin.
Cette structure cyclique est assez régulière et serait déterminée génétiquement. Ce sont surtout les phases de survenue du sommeil paradoxal qui sont les plus régulières. Des expériences réalisées chez des vrais jumeaux ont montré que leurs périodes de survenue du sommeil paradoxal étaient identiques.
Les “portes du sommeil”
Dans la soirée, les périodes de début de cycle, appelées aussi “portes du sommeil”, sont parfois sensibles : bâillements, paupières qui tombent, raideur de la nuque, micro-sommeils, sont autant de signes d’un endormissement proche. Si on se laisse aller au sommeil, on peut alors souvent débuter sa nuit. Par contre, si on résiste un peu, l’envie de dormir s’estompe et la forme revient, jusqu’au début du prochain cycle. Ses portes sont d’autant plus sensibles qu’on est éloigné de sa précédente phase de sommeil.
Sommeil et éveil
Le sommeil et l’éveil sont en équilibre sur 24 heures.
De la qualité du sommeil dépend la qualité de l’éveil. On peut s’en rendre compte facilement. Une nuit blanche ou un sommeil de trop courte durée entraînent une mauvaise vigilance avec des risques d’endormissement dans la journée.
Mais de la qualité de l’éveil dépend aussi la qualité du sommeil. Plus l’éveil est prolongé et de bonne tenue, plus l’envie de dormir sera grande et le sommeil profond. La pression homéostatique désigne ce besoin grandissant de sommeil qui survient avec la prolongation de l’éveil.
CONCLUSION
Même si on connaît assez bien le déroulement d’une nuit de sommeil et la description des stades de sommeil, le rôle du sommeil est encore peu connu. On sait cependant qu’il participe à de multiples fonctions de maintenance et de réparation des organes.
Il a d’abord une fonction de création d’énergie nécessaire à notre fonctionnement pendant la journée (c’est le rôle du sommeil lent profond). Le sommeil profond est aussi indispensable à l’équilibre métabolique, nutritionnel et hormonal. Le sommeil paradoxal est indispensable à l’apprentissage, la mémorisation, l’équilibre psychologique. Par ailleurs, le sommeil a bien sûr un rôle dans le maintien de la vigilance pendant la journée. Plus on avance dans la journée, plus il est difficile de maintenir sa vigilance et son attention. Le sommeil est donc un processus complexe et très dépendant de la bonne synchronisation de l’horloge biologique.